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Les arts de la table (et de la raquette)

Des raquettes réinventées par des artistes de renommée internationale et des incroyables tables à jouer devenues toiles de pop art : Art of Ping Pong revisite le tennis de table en lui ajoutant encore plus de fun. Et pas que : l’argent récolté grâce aux ventes aux enchères a déjà permis de récolter plus de 22 000 euros en cinq ans, reversés à différentes associations. 

© Book Club Kelly Anna exhibition – Ollie Trenchard

Algy Batten, designer depuis 1998 et organisateur-curateur de AoPP (Art of Ping Pong), est un joueur de ping-pong amateur mais ingénieux. Avec ses collègues de l’agence londonienne Fivefootsix (qu’il a contribué à créer en 2005 et dont il était le creative director), ils remportent en 2011 la Battle of agencies, un tournoi entre agences de la ville. De quoi donner envie de passer à la vitesse supérieure : pour transformer la table de la cuisine en table de ping-pong, il imagine une « sur-table » adaptée. Amateur, ingénieux et particulièrement mordu : avec ses associés, ils tentent des championnats nationaux. « C’est là que nous avons réalisé que nous jouions très mal », plaisante-t-il. Mais germe alors dans son esprit une idée qui l’emmènera plus loin que prévu : organiser des soirées ping-pong avec les autres studios créatifs du coin, et illustrer quelques raquettes pour les vendre aux enchères au profit d’associations caritatives. 

© theartofpingpong.co.uk
© theartofpingpong.co.uk
© theartofpingpong.co.uk
© theartofpingpong.co.uk
© theartofpingpong.co.uk
© theartofpingpong.co.uk

Mission

Ce qui était un rendez-vous détendu autour de la raquette prend rapidement plus d’importance. « Ça a commencé avec dix amis illustrateurs la première année », se rappelle Algy. « Fivefootsix travaillait alors pour BBC Children in Need (qui vient en aide à la jeunesse défavorisée du Royaume-Uni, ndlr). Il y a eu tellement d’intérêt que nous avons poursuivi, et ça a grandi d’année en année1. » Suivront quatre autres ventes enchères et autant d’expositions, avec toujours plus d’artistes. De side project à boulot tout court, Art of Ping Pong occupe désormais une bonne partie du temps de Batten. Fivefootsix a fermé en 2016 après « 11 ans de succès » et il travaille désormais comme consultant en design, en plus de continuer à développer son idée de « célébrer la popularité et la sous-culture du ping-pong en l’entrechoquant avec les couleurs et le fun de l’art ». Plus encore, une « mission pour devenir la marque de ping-pong la plus dynamique de la planète », selon ses mots.

« La part la plus gratifiante d’AoPP, c’est que cela nous offre une plateforme avec une liberté totale de création. C’est quelque chose qui a rapidement grandi à partir d’une passion, et qui est capable de prospérer sans y placer d’attentes superflues. C’est dans cet espace créatif l’on peut se challenger, expérimenter, recommencer et avoir la liberté nécessaire pour se tromper », nous précise Batten.

© Tom Hull / Nike Collab

Tables tableaux

En plus de l’exposition-vente annuelle (via un système d’enchères similaire à eBay), on trouve maintenant des sacs, affiches et goodies de toutes sortes. Il est également possible d’acheter des tables. Des « ArtTables » impressionnantes « maxi » (prix sur demande) ou des « mini » de couleur vive (entre 460 et 500 euros) qui s’accrochent au mur comme un tableau. Algy Batten est décidément un homme ingénieux… et toujours tourné vers la bonne cause. Quand 21 tables sont vendues, une autre est offerte à une « maison de soins » parce que « les études ont montré que le ping-pong a des effets bénéfiques chez les personnes atteintes d’Alzheimer. Et des couleurs vives apportent de la joie dans n’importe quel environnement ». 

« C’est une idée que j’ai eue quand ma petite amie m’a demandé de me débarrasser de la table de ping-pong qui était dans le garage », explique Batten qui y a travaillé ces deux dernières années. « J’ai réfléchi au moyen d’en garder une dans la maison, qui ne prendrait pas toute la place ou qui ne serait pas trop laide quand elle n’est pas utilisée. C’est comme ça que j’ai pensé à une mini-table qui, une fois les pieds repliés, peut s’accrocher au mur comme une oeuvre d’art 2. » 

Hattie Stewart | Thierry Noir | Anthony Burrill | Malika Favre | Matt Blease | Morag Myerscough | Jake&Dinos | Camille Walala | Crispin Finn

De plasticiens à joailliers

Au fil des années, les artistes sollicités pour chaque vente sont à chaque fois différents : des illustrateurs, des designers joailliers, des sculpteurs, des graphistes, des décorateurs… Des raquettes déformées, trouées ou en 3D, abstraites ou pop, monochromes ou multicolores, graphiques, typographiques, humoristiques ou engagées, d’inspiration cubiste ou primale… « Fondamentalement, c’est carte blanche. On définit ensemble la vision mais ce que nous aimons vraiment, c’est constater à quel point l’approche est différente pour chacun. Chaque artiste reçoit une raquette blanche et la façonne comme il veut3. » Lors de la dernière édition, ce sont pas moins de 27 artistes qui se sont prêtés au jeu pour gonfler le panel de cette centaine de pièces uniques. Parmi les noms des participants, on peut citer George Hardie, l’homme derrière la pochette de The Dark Side of the Moon des Pink Floyd, la Française Camille Walala qui a séduit Londres, l’artiste Mr Bingo, le graphiste Anthony Burrill, les plasticiens Jake et Dinos Chapman et le sculpteur Wilfrid Wood. Ou encore le designer joaillier Nylon Sky et l’artiste multidisciplinaire Zuza Mengham qui expliquait « aimer l’idée de créer un moment figé dans un jeu très rapide ». 

Et puisque Roger n’est jamais loin : citons encore, parmi de nombreuses collaborations, la participation à la collection NikeCourt x Roger Federer en 2016 : une installation d’une soixantaine de raquettes de ping-pong customisées par des artistes, pour décorer l’espace autour de la collection et capturer les différents aspects de la carrière du champion. Des raquettes dont les ventes ont évidemment été destinées à la Fondation Roger Federer, qui soutient des projets d’éducation dans la région de l’Afrique australe et en Suisse.

Jusqu’à la mi-mai, une exposition en collaboration avec l’artiste Jimmy Turrell est abritée par le Book Club dans le très tendance quartier londonien de Shoreditch. Une nouvelle vente aux enchères de raquettes est également prévue avant la fin de l’année. À suivre sur le site theartofpingpong.co.uk. 

 

Article publié dans COURTS n° 4, printemps 2019.

1 « The real art of ping pong »,  Huckmag, octobre 2016
2 « Journal Algy Batten », Lecture in progress, mai 2018
3 « The Art of Ping Pong 2015 », Coolhunting, novembre 2015